On reparle beaucoup de la Biennale de Paris. Je dois à la nouvelle revue Optical Sound et notamment à l’article de Stephen Wright, la (re-)découverte de la Biennale de Paris, son Collège et sa Collection impermanente.

Collection Impermanente

Photo d’écran d’une des « pensées spécifiques » s’affichant sur le site de la Collection Impermanente.

Larges extraits de la page « Informations » du site de la Biennale.

Dates et lieux
La XVIe Biennale de Paris se déroule du 1er octobre 2008 au 30 septembre 2010 là où ça se passe et quand ça se passe. Elle ne se déroule pas seulement à Paris et chaque édition prend fin au commencement de la suivante. Les participants fixent eux-mêmes leurs dates et leur lieux d’intervention. La biennale s’envisage dans le temps, les démarches se présentant dans leur mouvement même qui évolue au cours de ses éditions successives. La Biennale de Paris est une structure artistique en temps réel.

Objectif
Modifier l’idée de l’art.
Identifier et activer des pratiques invisuelles.
Constituer une alternative aux valeurs établies.
Affirmer un nouveau statut de l’art.
Composer une masse critique optimale.

Organisation
Une équipe de cinquante personnes travaille à différents titres pour l’organisation de la biennale et de ses actions. Les organisateurs proviennent d’horizons hétéroclites et mettent leurs compétences au service de la biennale afin de mener à bien cette entreprise ambitieuse.

Stratégie
Les trois principes stratégiques de la Biennale de Paris :
1. Être liquide.
2. Convertir le vide en espace à ne pas remplir.
3. Quand le sol est occupé, occuper le sous-sol.

Une rupture avec les standards
Nous pouvons voir la norme de l’art, comme un accord habituellement répandu considéré le plus souvent comme une règle à suivre, qui détermine l’art comme la somme de l’objet d’art, de
l’exposition d’art et des spectateurs. De manière plus concise, la norme de l’art c’est quand l’art est le médium de l’art. Elle régi le champ de l’art depuis sa constitution en tant que domaine d’activité distinct – la Renaissance – et jusqu’à aujourd’hui. La norme de l’art est perçue comme naturelle, pour cette raison il est très difficile non seulement de s’affranchir d’elle mais ça l’est d’envisager même cette possibilité. Les pratiques constitutives de la Biennale de Paris rompent avec la norme de l’art, mal acceptée par certains qui la voient comme une aliénation et pour lesquels la première spécificité de l’art est la liberté de penser l’art en dehors de tout schéma préétabli. Si jusqu’à aujourd’hui l’art s’est fait par des élargissements successifs de la norme de l’art, aujourd’hui et à partir des expérimentations du siècle passé, cette transformation continue ailleurs et autrement. Envisager l’art de cette façon peut être perçu comme un néant ou une rupture totale avec l’existant, mais en réalité il s’agit d’une différence face à ce qui nous paraissait normal.

Un mode macrocritique
Aujourd’hui et jusqu’à l’excès, l’art est gouverné par des puissances qui lui sont externes : économique, politique et médiatique. Aujourd’hui, l’artiste, seul, quel que soient les qualités de ses propositions, reste impuissant dans cet assemblage de pouvoirs, dans lequel il fait souvent office de sous-traitant. Seules les démarches affranchies des valeurs établies de l’art, comme celles associées à la Biennale de Paris, ont une capacité critique. Elles restent cependant inefficaces si elles agissent de façon unipersonnelle. On ne peut être critique qu’à plusieurs et en agissant à échelle systémique. Nous pouvons voir la macrocritique, comme une critique à échelle systémique dépassant l’échelle d’un seul artiste. Ce mode d’organisation que la biennale a adopté, est une mise en synergie de subjectivités attachées aux même valeurs assurant ainsi l’émergence d’une critique augmentée.

Une institution horizontale
La Biennale de Paris se définit comme une institution horizontale : un mode d’organisation dont la nature, les règles et le fonctionnement sont déterminés par les personnes ou par les entités qui lui sont constitutives. Par cette approche horizontale la biennale est une organisation apprenante. Les pratiques associées à la biennale sont constitutives et décisionnaires de la biennale, elles induisent leur propres modes d’être, leur temporalités et leur localités. Chaque personne ou entité associée à la biennale est considéré comme un partenaire et fait partie de l’organigramme de la biennale. Le mode d’organisation est l’auto-organisation.

Un public naturel
La nature des démarches associées à la Biennale de Paris implique un autre type de public que celui que l’art connaît. Ce public est un public naturel, ce sont des personnes qui, volontairement ou par hasard, interfèrent avec des pratiques qu’elles ne repèrent pas forcément comme artistiques et dont elles sont parfois un élément déterminant.

Penser l’art
Pensé à partir du réel, l’art identifié et activé par la Biennale de Paris est différent d’un art pensé à partir de l’art.

Des pratiques invisuelles
La Biennale de Paris favorise les pratiques invisuelles. Celles-ci se manifestent autrement que sous forme d’oeuvres d’art, ce sont des services, des processus, des expériences de vie… Ces pratiques sont inscrites dans le réel à tel point qu’on ne peut pas toujours les distinguer de ce qui les entoure. L’invisuel relève du visible mais pas en tant qu’art. L’invisuel est l’exercice de l’art à l’exception de son caractère visuel. C’est en quelque sorte une invisibilité artistique. Pour les pratiques associées à la biennale, le réel est le médium d’un art affranchi du médium de l’art.

Une transmission orale
Le mode de transmission adopté par les pratiques de la Biennale de Paris est le plus souvent l’oralité que la documentation complète parfois. En être, être ou mettre au courant est pour ces pratiques, invisuelles, ce qu’exposer est pour les pratiques visuelles, le lot commun.

Une biennale sans oeuvres d’art
Nous n’avons aucune preuve sérieuse que l’art est dépendant de l’œuvre d’art. Pour cette raison on peut supposer le contraire. La Biennale de Paris n’expose ni ne présente d’aucune façon d’oeuvres d’art, du moins dans leur acception traditionnelle sous forme d’objets d’art, matériels ou immatériels : photographie, vidéo, dessin, peinture, sculpture, installation, virtuel, numérique, hypermédia, son, multimédia, action artistique, performance, happening, simulation…

Une biennale sans exposition
En dehors de la norme de l’art, l’exposition n’est plus constitutive du mode d’être de l’art. Et sans oeuvres d’art il n’y a pas d’exposition. Les démarches associées à la Biennale de Paris induisent leur propres modes d’être qui n’est pas forcément celui de l’exposition. Opérer, est le plus souvent le mode d’être de ces démarches.

Une biennale sans curators
Comme la Biennale de Paris est une biennale sans exposition elle est également une biennale sans commissaire d’exposition. Mais si nous devons utiliser encore ce terme, nous pouvons dire que, d’un certain point de vue, chaque auteur est son propre commissaire d’exposition, dans la mesure ou chaque auteur détermine les conditions d’inscription de sa propre pratique.

Une biennale sans spectateurs
Sans objets d’art et sans exposition il n’y a rien à voir, ni des spectateurs ou de public habituel de l’art qui ait quelque chose à voir. La Biennale de Paris est une biennale sans spectateurs, elle ne s’adresse pas au public habituel de l’art.

Une biennale sans médiateurs
C’est la nature d’une pratique qui détermine son mode de transmission. S’inscrivant dans le réel au point de s’y confondre, les pratiques que la Biennale de Paris identifie et active, contiennent en elles-mêmes leurs propres modalités de diffusion : elles ont une capacité d’automédiation. Cette capacité peut aller même jusqu’à conditionner l’existence de ces pratiques.

Des auteurs sans autorité
Sans oeuvres d’art, l’autorité nostalgique de l’artiste disparaît au profit d’autres types d’autorats. Les pratiques de la Biennale de Paris sont des processus ouverts dans lesquels leurs auteurs interviennent de manière déterminante mais non définitive. L’individuation plutôt que l’individualisme, caractérise les auteurs associés à la Biennale de Paris.